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« Je recevais des photos de vulves dès le matin, avant mon café. Je me suis dit : waouh... Elles ont vraiment du courage ». Au coeur d’une intersection de plusieurs métiers, Lily Rault alias Raw, 31 ans, est aujourd’hui artiste et réalisatrice de clips et pochettes d’albums pour Warner Bros. Son ultime conviction, depuis toujours : « un sentiment d’injustice, mêlé à une violence profonde faite aux femmes ». C’est en Serbie, il y a 3 ans, qu’elle a réalisé sa première exposition « Cool Kids Never Die », traitant de la jeunesse éternelle. Relayé par les médias ChEEk et Inrockuptibles, son projet « TABOU.E », quant à lui, est né en début 2019.

 

La santé sexuelle des femmes

à travers « TABOU.E »

 

« Je me suis rendue compte qu’il y avait un vrai besoin. J’avais envie d’accompagner des jeunes filles, mais aussi des jeunes femmes de mon âge ou des femmes plus âgés, pour qu’elles s’acceptent plus, vu qu’on est peu, voire mal, voire totalement désinformé. » Initialement, l’exposition de son projet Tabou.e devait se dérouler dans la galerie « Espace Futur » dans le Marais, à Paris, le 15 avril, « pile-poil pendant la pandémie ». Durant cette crise, plusieurs métiers se sont réinventés. De fil en aiguille, elle décide de mettre en place une plateforme qui puisse être d’utilité publique, et très accessible, tout en permettant à des personnes qui ne se rendent pas forcément en galerie d’accéder à son exposition : « J’ai eu en l’espace de 3 jours plus de 3 000 visites sur mon site, il n’y aurait pas eu un impact aussi grand si ça avait été en galerie. » En effet, son exposition n’aurait duré que 4 à 5 jours en galerie. Lily a même eu des retours de la part de professeurs : « J’ai été super touchée qu’ils apprécient mon travail et qu’ils souhaitent réutiliser ces outils ».

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© Matheo Lafontaine

© Matheo Lafontaine

 

 

 

Une démarche esthétique et politique

Selon Lily Rault, pour traiter un sujet aussi tabou, et de manière aussi frontale : « Il faut créer un environnement agréable et quelque chose de « regardable ». Il faut que ça nous donne envie de nous questionner. » Sa solution : des collages pour brouiller la brutalité du sexe féminin, et un néon pour donner une impression d’irréel aux photos de vulves, en les rendant moins choquantes, et ainsi, permettre aux autres femmes de s’y identifier. Chacune des photos de Lily Rault répond à un problème politique avec esthétisme. « J’ai voulu intégrer dans des photographies de voyage parce que ça renvoie à la symbolique de l’exploration mais aussi de la réappropriation de l’espace public, qui est très compliqué de s’approprier en tant que femme. » Autre exemple, pour dénoncer la douleur, les collages des vulves se sont faits sur des photos d’hôpitaux : « Le message passe aussi par le sang, vu que les modèles m’ont envoyé des photos pendant qu’elles avaient leurs règles ». 

 

Une première édition entre copines

À la recherche de modèles pour la première édition de "TABOU.E", Lily a d’abord pensé à contacter des travailleuses du sexe, sans doutes parce qu’elles seraient plus à l’aise. Par manque de connaissances et de relations, cette alternative n’a pas abouti. Son premier shooting s’est fait avec ses amies, après quelques verres de vins lors d'un apéro : « On était très gênées au début, puis on s’est demandé pourquoi ? Qu’est-ce qui a créé ce malaise ? Les hommes se montrent leurs pénis dans les vestiaires sans aucune gêne. »

 

Une deuxième édition en autoportrait

La deuxième édition de "TABOU.E" est tout aussi anecdotique. En pleine période de confinement, Lily Rault n’a pas pu réaliser de shooting de vulves, elle a demandé à des femmes de réaliser des autoportraits. Son casting s’est fait à travers les réseaux sociaux et le média pure player féminin ChEEk. « J’ouvrais mes e-mails et je voyais une dizaine de photos, avec la qualité d’un smartphone… C’est incroyable le courage qu’elles ont eu de faire ça.» Pour Lily, cette intitiave reflète un engagement pour ces femmes, c’est une manière de faire partie de ce mouvement politique : « Elles ont apporté leur propre pierre à l’édifice. »

 

 

 

Pour dénoncer la douleur des femmes et véhiculer un message politique dans son projet « TABOU.E », l’artiste parisienne Lily Rault expose des photos de vulves en gros plans, avec esthétisme et poésie.

LA DOULEUR DES FEMMES À TRAVERS LES PHOTOS  DE VULVES DE

P O R T R A I T

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Une troisième édition masculine

 

Pour 2021, le projet de Lily est d’approfondir "TABOU.E" mais du côté des tabous masculins : « Je veux traiter la masculinité toxique  qui m’intéresse aussi, et qui est aussi tabou, mais je pense que j’aurai une autre approche. » Cette fois-ci, Lily n’irait pas forcément faire des photos de parties génitales masculines, mais tenterait plutôt de capturer des aspects concernant la virilité, à travers la nudité, l’aspect vestimentaire, l’agressivité ou encore la douceur.

L I L Y   R A U L T

© Lily Rault

© Lily Rault

© thatch.rchkm